Ce concept est rattaché aux sciences humaines et plus particulièrement à l’anthropologie (étude de l’homme dans la société). L’ethnomédecine correspond aux « médecines d’ailleurs ».

Chez les peuples traditionnels, la médecine fait partie intégrante de la culture ; elle est globale et intuitive. Notre conception fragmentée de la santé est inadaptée dans bien des pays. Et nous aurions tant à apprendre si nous voulions bien écouter et observer.

Aujourd’hui, en guise de sympathique jeu de mot, on peut parler « d’éruption de l’ethno ». On octroie en effet, depuis plusieurs années, une place importante à l’ethnomédecine. On le fait bien sûr par souci d’offrir des articles exotiques, voire folkloriques, prétextes imagés à une riche iconographie sur les médecines d’ailleurs. Mais, on souhaite surtout apporter une réponse à la préoccupation croissante de notre temps qui consiste à vouloir appréhender les autres modes de pensée touchant à la santé et à la maladie.

Le projet initial de l’ethnomédecine est de prendre en compte les représentations mentales, les rites, les mythes, les mœurs des peuples de la planète. Ce faisant, elle tente de mettre en lumière la diversité des cultures humaines et de percer le mystère de leurs origines. Longtemps centrée sur les « primitifs », elle porte aujourd’hui un regard neuf et distancié sur les sociétés modernes.

Regard sur d’autres cultures

L’un des attraits de l’ethnomédecine tient à son exotisme. Elle nous fait découvrir les modes de vie des Bushmen d’Afrique australe, des Aborigènes d’Australie, des Esquimaux ou des Papous… Mais ces sociétés sont aujourd’hui menacées d’extinction. Le regard de l’anthropologue a alors tendance à se tourner vers sa propre société ; il l’observe et l’analyse dans son organisation et dans ses mœurs qui, en l’occurrence, se révèlent tout aussi étranges que celles de tribus lointaines.

Plus récemment, l’ethnomédecine a fait preuve de sa pertinence dans le champ de la recherche appliquée, notamment suite aux échecs répétés de programmes sanitaires imposés à des sociétés sous-développées. Dans ce domaine, le chemin à parcourir est long. Quel abîme, en effet, entre notre conception de la maladie — réalité biologique avec son agent causal ou son dysfonctionnement, sa chaîne épidémiologique ou ses facteurs de risques — et la réalité symbolique qu’elle peut revêtir dans d’autres sociétés !

De façon moins caricaturale, l’ethnomédecine s’ouvre à des préoccupations spécifiques à nos pays.

« A une époque où les institutions médicales occidentales ploient sous des salves de critiques, déclare Ivan Illich, grand penseur, l’ethnomédecine bénéficie d’une impulsion nouvelle. »

Ainsi, même dans nos sociétés, le malade d’aujourd’hui n’exige ni n’attend forcément ou uniquement une réponse biomédicale. C’est dans cette optique qu’il convient peut-être de considérer le recours, de plus en plus répandu, aux médecines naturelles et traditionnelles : non comme une opposition à la médecine scientifique, mais comme sa part manquante.

Ce retour aux sciences humaines, concerne d’abord la médecine.

Le fait médical

Pour Lévi-Strauss, « la médecine est traditionnellement un mode de communication avec le sacré ». Dans toutes les cultures, le fait médical est identifié comme un évènement majeur ; partout il présente les mêmes caractéristiques.

● La recherche de la cause

La « quête du sens » de la maladie va toujours au-delà de la simple recherche de sa cause telle qu’on la conçoit dans la médecine scientifique. Il ne s’agit pas seulement de savoir comment la maladie à fait irruption chez un individu puis d’agir directement et uniquement sur elle ; il s’agit surtout de comprendre pourquoi la maladie s’est introduite dans la vie du groupe (village, quartier, famille) et sur quel fond de crise cosmique, religieuse, sociale, voire politique, elle se greffe.

Il reste ainsi de tenter d’identifier les conditions qui ont permis à la maladie de s’installer.

Dans une telle optique, la maladie devient l’expression du mal ; elle est couramment considérée comme la sanction d’une « transgression », de l’inobservance des règles liant l’individu à son environnement humain, naturel ou surnaturel. Le malade n’est pas forcément l’auteur d’une transgression ; il en est le révélateur et devient le « médiateur » entre le groupe et « le génie du lieu », ou « l’esprit ancestral ».

Dans la conception traditionnelle de la maladie, la plupart d’entre elles relèvent de causes extérieures au malade lui-même ; elles sont l’émanation et l’expression des forces obscures et actives qui gouvernent le monde.

Certaines maladies sont dues, pense-t-on, à la malveillance d’un ennemi qui peut être un proche. Ce dernier jette ou noue un « sort », cause de la maladie. Les exemples de sorts sont nombreux. On peut globalement les classer en deux groupes : les sorts « jetés » qui provoquent un mal physique, et les sorts « noués », qui empêchent certaines fonctions d’agir, spécialement la fonction sexuelle.

Le combat contre ces « maladies » , se déroule évidemment sur le même terrain que la cause qui les a produites : le guérisseur joue alors le rôle d’un « dénoueur de sort ». Sa fonction est considérée comme essentielle et bénéfique pour la société : il jouit d’une réputation et d’une renommée proportionnelles à l’efficacité de ses interventions.

Nous avons par exemple à l’esprit la crainte répandue parmi les habitants de la brousse, de se voir victimes d’un empoisonnement causé par des personnes qui leur en veulent ou qui jalousent et envient leur réussite et leur richesse, Ces craintes viscérales et instinctives ne semblent pourtant pas injustifiées lorsque l’on sait qu’un grand nombre de maladies internes, dont l’origine reste obscure, ont pour manifestation principale une  « enflure » du ventre. Sont-elles dues à un empoisonnement ? On pourrait le penser.

La tâche du guérisseur qui a identifié la nature de cet empoisonnement, souvent une substance végétale, consiste alors, grâce à sa grande connaissance des plantes, à administrer au malade l’antidote du poison, lui aussi puisé dans les forces végétales.

● Une dimension psychologique

Avant toute administration des remèdes, le guérisseur se livre à une véritable préparation psychologique du malade. Il est nécessaire que ce dernier se présente sous son meilleur jour aux influences bienfaisantes qui vont le guérir, avec une grande disponibilité pour les accueillir. Tout un ensemble d’actes préliminaires (attouchements, insufflation, imposition des mains, onctions, etc.) accompagnés de formules de prières ou d’incantations conditionnent le malade et le rendent « disponible » à l’acte guérisseur. Quiconque a assisté à ces préparatifs, au cours desquels le guérisseur met en jeu toutes ses facultés pour capter la confiance du patient, s’est rendu compte du sérieux d’une démarche qui implique que le guérisseur et le malade engagent ensemble un combat contre les forces destructrices qui provoquent la maladie et la mort.

● Une dimension thérapeutique

Ces processus traditionnels s’appuient sur des connaissances et des pratiques résultant d’une transmission ; ils imbriquent et entremêlent les éléments d’une pharmacopée plus ou moins élaborée, des actes sur le corps humain plus ou moins ritualisés ainsi que des procédures de suggestion ou de stimulation de la personnalité.

Lorsqu’on part du principe que le malade est soumis à un environnement qui, joue un rôle dans le déclenchement, le développement et l’évolution de sa maladie, il semble logique et nécessaire de récolter les plantes médicaments qui vont le soigner dans un biotope particulièrement favorable à leur efficacité. Ces endroits porteurs de forces bienveillantes sont repérés, identifiés et localisés à partir des signes interprétés par le guérisseur comme « révélateurs » d’une puissance cachée. Ces signes se caractérisent généralement par une manifestation atypique et singulière, telle que le reste à demi mort d’un arbre foudroyé, le nombre inhabituel de termitières, le trou d’un porc-épic, ou encore la croisée de deux chemins dans la brousse boisée. C’est donc par une bonne connaissance du terrain que l’on pourra sélectionner tel ou tel en placement qui, à coup sûr, renforcera l’effet du remède administré.

On notera par exemple la prédilection du guérisseur pour « les anormalités de la nature » comme un arbre à demi sec ou foudroyé pour la guérison d’un lumbago.

Chacun sait que la croisée des chemins est un endroit favorable : les « génies » invisibles se déplacent le long des chemins de brousse et s’arrêtent aux carrefours. En prenant une pincée de poussière à cet endroit pour la mêler aux remèdes, on augmente leur puissance guérisseuse,

Enfin, le guérisseur ne récoltera les feuilles des arbres aux vertus thérapeutiques que lorsque ceux-ci auront colonisé une galerie de termitières ou de fourmilières ; en procédant de la sorte, il pense être en mesure de recueillir la connaissance des causes secrètes de la maladie à guérir, car les êtres qui vivent au contact des « entrailles de la Terre », sont susceptibles de conférer des qualités spéciales aux arbres ou arbustes qui poussent à leur proximité.

● Une dimension culturelle

Elle s’exprime dans l’interprétation admise par tous : elle fait constamment référence aux croyances, aux religions et aux civilisations ; cette dimension culturelle explique les interrelations entre la culture et la médecine, entre la culture et la maladie. Ainsi, à première vue, tout sépare la médecine savante et la médecine populaire :

  • le guérisseur opère à mains nues, il palpe le malade, souffle sur son mal, marmonne des prières,
  • le médecin, notable au langage souvent hermétique, se masque derrière son bureau, se réfugie derrière ses instruments de diagnostic,
  • le guérisseur opère dans le sacré (l’« irrationnel »),
  • le médecin a acquis son savoir dans des livres : il ne dédaigne cependant pas de s’en remettre à l’effet placebo, survivance de la magie, s’il en est !

Dans la mentalité traditionnelle, le pouvoir de guérison des plantes est considérablement accru lorsque l’on accompagne les gestes guérisseurs de formules appropriées. Ces dernières constituent généralement un appel aux forces surnaturelles dont le sens échappe au patient ; elles se révéleront d’autant plus efficaces qu’elles seront obscures.

Beaucoup de ces formules seraient extraites du Coran ; elles sont généralement rédigées en arabe. La plupart commencent par l’invocation bismillah (« au nom d’Allah »), qui peut être répétée trois fois. Elle est souvent accompagnée par un crachotement du guérisseur sur la partie malade, traduit par l’onomatopée tu. Le reste de la formule est en arabe ou en langue locale (surtout en bambara) et a un rapport avec la partie du corps à guérir.

Le mal des banlieues : l’ethnomédecine adaptée à l’Occident

L’ethnomédecine peut être amenée à répondre à des questions qui, a priori, se situent hors de son champ d’investigation, À cet effet, il est intéressant d’observer comment l’île de la Réunion a vu naître une nouvelle société à partir des communautés qui la peuplaient. La médecine traditionnelle, issue des coutumes créoles, indiennes, malgaches et musulmanes, se situe, dans cette nouvelle société, au carrefour de plusieurs cultures. Par leurs conduites et leurs conseils, les guérisseurs reconnaissent les différences culturelles caractéristiques des divers groupes ethniques. Cette intégration des pratiques médicales ancrées dans chaque communauté constitue un outil majeur de reconnaissance culturelle et de pacification dans une société composée de nombreuses ethnies.

Cet exemple peut servir de cas d’école à celles et ceux qui sont confrontés au melting-pot des banlieues. Dans leur approche de cette situation particulière, ils doivent tenir grand compte de l’importance de l’impact démographique, culturel et social de l’immigration dans les sociétés occidentales. Les pathologies des migrants sont à considérer à la fois dans l’optique de leur milieu d’origine et dans celle de leur pays d’accueil. Plus on respecte l’origine et l’identité culturelle de ces communautés, plus elles se sentent intégrées, plus elles s’adaptent, moins elles se sentent exclues et moins elles présentent de pathologies liées au sentiment de ne pas être pleinement reconnues. Depuis quelques années, tant en France qu’à l’étranger, la santé mentale des migrants occupe une place croissante dans le champ de la psychiatrie, De nombreux travaux mettent en exergue la nécessité de prendre en compte la civilisation dont provient le patient ainsi que la composante culturelle de ses symptômes. De plus, ils approfondissent la réflexion sur l’influence du contexte dans lequel s’est opérée la migration, la transplantation ainsi que sur les conditions de vie de l’individu en question. Enfin, ils prennent en considération les déterminants psychologiques de l’acculturation dans leurs rapports avec la pathologie mentale. La prise en compte de ces différents facteurs, qui s’étendent de la différence culturelle à la particularité des conditions de vie des migrants, concourt à la délimitation d’une approche transculturelle favorable à la résolution d’un ensemble de problèmes sociologiques, psychologiques et médicaux.

L’action thérapeutique doit conjuguer la préservation des liens ethniques et faciliter le passage d’une culture à une autre, soit l’insertion dans la société d’accueil. La satisfaction de cette double exigence nécessite une juste appréhension des dimensions individuelles et collectives des conditions de la migration. Ainsi, par exemple, le rapport aîné/cadet est-il fondamental dans une société de type traditionnelle : mais aujourd’hui, ce rapport individuel ne permet plus l’organisation des rapports collectifs lorsque la structure familiale a été détruite par la guerre et/ou l’exil et lorsque, comme c’est généralement le cas dans nos sociétés, les modalités de réinstallation accordent une place prépondérante aux jeunes. De tels bouleversements dans l’équilibre social se répercutent au niveau du fonctionnement familial : l’accumulation de stress, perte des valeurs traditionnelles, le chômage, la drogue, l’éclatement des familles et l’inversion des apports sociaux altèrent les capacités d’adaptation des réfugiés. Ils brouillent dans le même temps les systèmes de communication de la communauté, Ce sont les effets pervers de l’acculturation combinés à la perte des repères antérieurs subséquents aux guerres et à l’exil qui conditionnent les difficultés familiales des réfugiés et des émigrés.

Sur quoi la connaissance synthétique de l’organisation des sociétés archaïques et, plus généralement, l’étude globale de l’homme pourrait-elle déboucher ?

Que faire des sujets d’étude privilégiés par l’anthropologie que sont l’analyse des relations de parenté, les systèmes culturels — mythes, rites, religions, langage, croyances —, les formes et les expressions du pouvoir ?

Mariage ethnomédecine-biologie

Les firmes pharmaceutiques multinationales se livrent à un pillage systématique du tiers-monde, de sa flore, de sa faune et de ses médecines traditionnelles. Ne serait-il pas temps de restituer ce savoir et ce patrimoine ainsi que ces thérapies naturelles à leur détenteur légitime, soit l’ensemble de la planète ?

Nous devons prendre en considération l’ensemble de ces connaissances anciennes qui véhiculent l’ « intelligence cellulaire » des cultures ancestrales et les confronter aux tests biologiques élaborés par la technologie occidentale. Nous serons alors en mesure d’en dégager des applications pratiques disponibles non seulement aux pays occidentaux, mais aussi aux peuples démunis, souvent confrontés à des pathologies pour lesquelles la médecine occidentale n’a pas de réponses.

Une alliance entre science et tradition

Chez les peuples traditionnels, la médecine fait partie intégrante de la culture ; elle est globale et intuitive, contrairement à notre conception fragmentée de la santé, inadaptée, parfois même inefficace. N’aurions-nous pas intérêt à observer, assimiler la médecine ancestrale ?

Aujourd’hui, le malade n’attend pas uniquement une réponse biomédicale. Il recourt aux médecines naturelles et traditionnelles – la part manquante de notre médecine occidentale – Il ne s’agit pas seulement de savoir comment la maladie a fait irruption puis d’agir directement sur elle, mais de comprendre pourquoi elle s’est introduite dans la vie du groupe et sur quel fond de crise cosmique, religieuse, sociale, voire politique, elle se greffe.

Nouvelle approche, l’ethnomédecine nous fait découvrir les éléments d’une pharmacopée plus ou moins élaborée, des actes sur le corps humain plus ou moins ritualisés, ainsi que des procédures de stimulation de la personnalité. Ne serait-il pas temps, en effet, de pratiquer une médecine solidaire ouverte au monde, recourant à des compétences diverses telles la combinaison intelligente de l’art médical ancestral et des moyens scientifiques actuels ? Ne serait-il pas temps de transformer notre arsenal thérapeutique, pour qu’il soit efficace, adapté, bon marché, dépourvu d’effets secondaires et qu’il réponde aux angoisses des hommes d’aujourd’hui ?

L’ethnopharmacologie

La plupart des principes actifs des médicaments modernes sont connus depuis la nuit des temps par les guérisseurs du monde entier, même s’ils n’en peuvent expliquer le mode d’action.

Personne n’ignore aujourd’hui la richesse et la diversité des plantes médicinales. Elles sont utilisées par 80 % des habitants de notre planète qui ne se soignent que par les médecines traditionnelles de leur pays, car ils n’ont pas accès à la médecine moderne. Parmi les milliers de plantes médicinales recensées à ce jour, un grand nombre n’a pas encore attiré l’attention des chercheurs ; leurs potentialités thérapeutiques restent à découvrir.

Depuis les époques protohistoriques, voire préhistoriques, l’homme a su trouver dans son environnement les plantes utiles pour se nourrir et pour se soigner. Cette connaissance empirique s’est transmise par écrit s’agissant des médecines dites savantes (chinoise, ayurvédique, grecque, arabe) et aussi par oral en ce qui concerne les pharmacopées traditionnelles africaines ou amérindiennes.

C’est précisément la fréquente pertinence des indications thérapeutiques de remèdes traditionnels qui a frappé les scientifiques occidentaux. Ils se demandaient comment les tradipraticiens réussissaient à sélectionner des plantes aussi actives dans le foisonnement des espèces végétales qui les entouraient.

Une discipline récente, l’ethnopharmacologie, aborde l’étude des médecines traditionnelles et de leurs pharmacopées sous un éclairage nouveau ; elle se caractérise par la richesse et la diversité des nombreuses disciplines qui la composent. Située à l’interface des sciences de l’homme (l’ethnologie, l’histoire, la linguistique, l’archéologie) et des sciences de la nature (la botanique, la pharmacologie, la chimie, la pharmacognosie, la clinique), l’ethnopharmacologie respecte la tradition et s’ouvre résolument à l’innovation.

Très schématiquement la recherche se déroule en trois temps :

  • Un travail de terrain qui recense les pratiques médicales, l’usage des plantes médicinales et des produits d’origine naturelle, partout dans le monde, aussi bien dans les pays développés que dans les pays en développement.
  • Un travail de laboratoire qui, grâce aux outils modernes de la pharmacologie, de la chimie et de la biologie, vise à mieux comprendre et à définir l’activité thérapeutique de ces substances. L’expérimentation scientifique est en fait guidée par l’usage traditionnel.
  • Un travail de retour vers le terrain qui inclut des programmes de valorisation de la recherche par la promotion de médicaments à base de plantes efficaces et dépourvus de toxicité, ainsi que par la publication, dans les revues scientifiques, des travaux de terrain et de laboratoire.

Le laboratoire confirme la tradition

Le docteur Jacques Fleurenten, clinicien, a mené, dans laboratoire de recherche de l’université de Metz, qu’il a dirigé pendant 14 ans avec le professeur Jean-Marie Pelt, des travaux de recherche en pharmacologie sur de nombreuses plantes médicinales issues de traditions thérapeutiques diverses.

Dans 75 % des cas, les usages traditionnels sont confirmés par la comparaison des effets de l’extrait de plantes avec ceux de molécules de référence et ce, tant dans des tests in vivo que dans des tests in vitro.

Ils ont ainsi pu démontrer les propriétés anxiolytiques du pavot de Californie (Eschscholzia californica) et de la passiflore (Passiflora incarnata), les effets sédatifs de la mélisse (Melissa offcinalis), les effets anti-inflammatoires de l’harpagophyton (Harpagophytum procumbens), du marronnier d’Inde (Aesculus hyppocastaneum) et de l’Euphorbia hirta (grand remède anti-amibien et anti-athsmatique), les propriétés protectrices du foie du romarin (Rosmarinus officinalis), du Boldo (Peumus boldo) et de l’eupatoire (Eupatorium cannabinum) et les effets diurétiques du fenouil (Foeniculum vulgare), de la busserole (Arctostaphylos uva-ursi), de la piloselle (Hieracium Pilosella) et du sureau (Sambucus nigra).

L’ethnopharmacologie appliquée

Les plantes médicinales sont amplement utilisées dans l’industrie pharmaceutique pour la fabrication de médicaments existants ou nouveaux. Mais la manière dont cette industrie exploite à grande échelle ces ressources naturelles locales pose plusieurs problèmes.

Le premier concerne le droit de partager les résultats des investigations avec les populations dont sont issues les plantes, objets des enquêtes de terrain ; le deuxième est lié à la propriété de ces savoirs et au dépôt de brevets relatifs à l’exploitation des principes actifs de la plante liées à ce patrimoine.

Enfin, l’exploitation de plantes médicinales à des fins médicamenteuses ne doit pas mettre en péril les biotopes lorsque des plantes sauvages sont systématiquement prélevées sans assurance préalable de la pérennité de l’espèce.

Programme de médecine traditionnelle de l’OMS

De nombreuses initiatives de restitution du savoir, de valorisation des recherches, ou de promotion de phytomédicaments issus des médecines traditionnelles ont été entreprises. Les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé vont dans ce sens. Elle demande, en effet, aux pays en développement d’étudier leurs médecines traditionnelles et de promouvoir l’usage de plantes médicinales dans les programmes de santé.

Les États en question sont invités à intégrer, dans leurs politiques pharmaceutiques nationales, les médicaments traditionnels qui ont démontré leur efficacité et doivent élaborer un cadre réglementaire spécifique. C’est en quelque sorte de l’ethnopharmacologie appliquée.

En Afrique, chaque ministère de la santé réserve un département spécifique des médecines traditionnelles. La création de l’association « les Médecins aux pieds nus » a retenu l’attention de l’OMS (j’ai été en contact avec un précédent président, le docteur Halphan Malher, qui fut le premier à promouvoir les médecines traditionnelles). C’est ainsi que je fus amené à produire des articles dans la revue de l’OMS sur l’ethnomédecine et nos découvertes.

Les médecins aux pieds nus (MAPN)

« Médecins aux pieds nus » est une Organisation de solidarité internationale que j’ai fondé en 1987.

Pour assurer leur formation en ethnomédecine et en phyto-aromathérapie, j’ai créé en 1985 à la Sorbonne la Faculté libre de médecines naturelles et d’ethnomédecine (FLMNE).

Qu’ils soient médecins, infirmière naturopathes…, les Médecins aux pieds nus (MAPN) interviennent dans le monde entier ; ils sont présents et actifs sur le front de la maladie et de la faim. Ils encouragent les populations démunies à se prendre en charge sur le plan sanitaire comme sur le plan économique, en mettant en valeur leur propre savoir et en recourant aux ressources naturelles locales. Pour ce faire, les MAPN ont recours à l’ethnomédecine, une science pluridisciplinaire qui intègre psychologie, sociologie, ethnologie, épidémiologie et génétique. Elle permet une approche globale de la santé. Ainsi, les Médecins aux pieds nus créent des jardins botaniques de plantes médicinales capables d’enrayer les pathologies courantes ainsi que de grands fléaux comme le paludisme, l’amibiase, la drépanocytose et les nombreuses pathologies virales (VIH, dengue, fièvre hémorragique, hépatites, herpès…). Ces volontaires sont à même de fabriquer sur place des médicaments à partir de ressources naturelles locales (sirop, teintures mères, huiles essentielles, extraits fluides, pommades…).

Les Médecins aux pieds nus interviennent, à la demande expresse des populations, par l’intermédiaire de partenaires locaux (associations, médecins, infirmiers, sages-femmes, agents sociaux, tradipraticiens et ministres de la santé).

Toutes les actions qu’ils entreprennent sont animées par la volonté et le souci de préserver la biodiversité végétale et animale. Un projet ainsi intégré vise à créer une dynamique communautaire fondée sur la revalorisation des richesses culturelles et sur l’utilisation des ressources locales naturelles et humaines.

Dans chacune de leurs missions, par leurs actions, les Médecins aux pieds nus permettent aux médecines traditionnelles de retrouver leur place aux côtés de la médecine scientifique occidentale.

La pertinence de ce changement de cap est corroborée par le fait que les populations les plus démunies de la planète ne veulent plus être assistées. Des peuples entiers redressent la tête et veulent reprendre leur destin en mains ; ils disposent pour y parvenir de forces et de ressources naturelles auxquelles un système d’assistanat importé n’a pas jugé bon de recourir.

Un vent de coopération constructive souffle sur la planète. Un vaste et ambitieux programme attend les Médecins aux pieds nus et l’ethnomédecine. Des appels à l’aide affluent de partout : Colombie, Haïti, Guatemala, Togo, Zaïre, Madagascar, Népal, Sri Lanka, Cambodge, Vietnam…

La porte des MAPN est grande ouverte à celles et ceux caressent le projet de participer à une noble et belle aventure utile.

Des centaines de MAPN ont parcouru les différents continents. Leurs expériences ont donné un sens précieux à leur parcours, tout en enrichissant ces peuples démunis.

Ci-dessous, une lettre de l’OMS à mon égard, prouvant le bienfondé de nos découvertes.

Les réalisations des Médecins aux pieds nus

Depuis 1987, les volontaires des MAPN ont transformé l’approche humanitaire en assurant le développement et l’autonomie des communauté ; ils ont aussi accompli de « petites choses » à travers le monde.

Artemisia annua

C’est ainsi qu’ils ont par exemple cultivé une plante chinoise, l’Artemisia annua, dans des régions impaludées. Ils ont fait des préparations galéniques mises à la disposition des populations. En conséquence, la morbidité due au paludisme a chuté considérablement dans ces régions.

Fagora xanthoxyloïdes

Pour contrecarrer la drépanocytose (thalassémie), une pathologie génétique sanguine qui sévit en Afrique sahélienne (Au Niger, 30 % des enfants sont atteints de cette maladie redoutable), aux côtés des tradipraticiens, les MAPN ont mis au point une préparation galénique à partir d’une plante locale : le Fagora xanthoxyloïdes. Désormais, l’espérance de vie de ces enfants s’est considérablement allongée.

En France, 10 000 sont atteints par cette maladie sanguine. La plante redonne aux globules rouges leur forme ronde normale.

Un extrait de la plante donné par voie orale correspondant à un gramme de poudre de racines trois fois par jour à un drepanocytaire fait disparaître complètement les crises qui sont en moyenne de 25 par mois.

Faire une macération de la plante pendant 24 heures (100 grammes de racines. dans 100 ml d’eau) et boire trois fois par jour 5 ml de la solution ou bien prendre un gramme de poudre de racine trois fois par jour.

Un remède fabuleux anti-drogue : le Tabernanthe Iboga

Cet arbuste est répandu surtout au Gabon, en Guinée équatoriale, au Sud-Cameroun, au Congo- Brazzaville et à Madagascar.

En thérapeutique, les écorces de racines produisent des effets stimulants dans les asthénies physiques et intellectuelles et dans les convalescences des maladies infectieuses. Mais en grosse quantité la racine d’Iboga est un hallucinogène dont l’emploi est réservé aux cérémonies d’initiation à diverses sociétés, au Gabon : le Bwiti chez les hommes, l’Ombuiri chez les femmes.

L’absorption des râpures d’écorce de la racine détermine une sorte d’ébriété, d’hébétude, de torpeur puis on voit apparaître les manifestations hallucinatoires. Les cérémonies initiatiques éprouvantes, entrecoupées de périodes de somnolence et d’excitation, durent plusieurs jours.

L’Iboga doit ses propriétés à des alcaloïdes indoliques dont les principaux sont l’ibogaïne et la tabernanthine.

Ces alcaloïdes sont des excitants du système nerveux central. Ils sont antagonistes des barbituriques et agissent sur le comportement des animaux en augmentant leur curiosité et leur faculté à résoudre un conflit (GAIGNAULT).

Ils possèdent une activité anticholinestérasique et empêchent l’hydrolyse de l’acétylcholine. Un brevet portant sur l’activité antiasthénique des alcaloïdes de l’Iboga a été déposé en 1967 (DAUSSE).

Depuis quelques années on s’intéresse à l’action antidrogue de l’ibogaïne. En donnant des doses élevées de 500 mg à 1 g, on constate chez l’héroïnomane et le cocaïnomane un stade d’excitation puis d’hallucination et un sommeil profond de plusieurs heures. Mais au réveil le sujet ne ressent plus le besoin d’héroïne ou de cocaïne. Il y aurait interférence de l’ibogaïne sur les récepteurs de ces drogues. Deux brevets ont été déposés dans ce sens (LOTSOF).

Du fait de son activité anticholinestérasique qui empêche l’hydrolyse de l’acétylcholine, l’Iboga serait d’un grand secours chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer (voir mon livre sur Amazon : Alzheimer, la maladie décryptée)

Le Baobab : le « couteau suisse » de la nutrition

Cet arbre toujours frappé l’imagination pour sa forme grotesque et sa grosseur. Il est considéré comme arbre sacré dans de nombreux villages. Toutes les parties de la plante sont utilisées. En dehors de ses usages alimentaires, on peut citer : antidiarrhéiques, antirachitiques, anti-inflammatoires, etc.

En Afrique, le Baobab (Anansonia digitatia) entre dans la pharmacopée traditionnelle et on emploie depuis toujours ses différentes parties (racines, feuilles, pulpe, graines…) à des fins thérapeutiques. Son fruit, appelé «pain de singe», est très riche en vitamines. Il est six fois plus concentré en vitamine C que les oranges et très riche en vitamines B1 et B2.

Sa pulpe serait quatre fois plus antioxydante que le kiwi, dix fois plus que l’orange et quinze fois plus que la pomme. Elle possède des vertus antalgiques (anti-douleurs), fébrifuges et anti-inflammatoires comparables à celles de molécules médicamenteuses de synthèse (aspirine, phénylbutazone…). Et, comme elle est naturelle, on a bien moins à craindre d’effets secondaires. Les fibres solubles de la pulpe ont des vertus prébiotiques ; elles stimulent le développement de la flore bactérienne (le microbiote). Ses fibres insolubles facilitent le transit intestinal. … C’est ainsi un remède efficace dans la constipation. Bien que cela puisse sembler contradictoire, la pulpe est également un bon antidiarrhéique et un excellent réhydratant. Riche en tanins et en mucilages, elle neutralise les troubles dysentériques.

Mélanger la pulpe du fruit séchée après avoir enlevé les graines, dans l’eau (10 grammes pour 100 ml) et boire aux repas.

Par ailleurs, son efficacité anti-inflammatoire la fait conseiller en cas d’arthrite, et autres rhumatismes.

Sous forme de compléments alimentaires :

Vous pouvez toujours planter un baobab dans votre jardin, mais il faudra attendre un certain temps avant de bénéficier de ses énormes fruits ! Pas besoin de grimper aux arbres : on trouve ce fruit en poudre dans les magasins bio, à mélanger à nos yaourts, mais aussi en barres de céréales, en gélules, en huile antirides et désormais en jus, issu du commerce équitable, dans la grande distribution.

L’arbre à palabres, sous lequel les villageois africains se rassemblent, n’a pas fini de nous interpeller.

Un anti-amibien : Euphorbia hirta

On utilise l’Euphorbia hirta pour faire disparaître une amibiase ou une dysenterie amibienne. Il suffit de boire trois jours de suite une décoction de 100 grammes de pante dans l’eau. De même, cette préparation fait disparaître les crises d’asthme par dilatation des bronches. La tolérance de cette préparation est très bonne et n’a jamais donné lieu à des intolérances alors que certains produits commerciaux en particulier antiamibiens sont très mal supportés

Un anti-venimeux : le Securidaca longepedunculata (l’arbre à serpent)

Dans toute l’Afrique Noire, les racines de Securidaca longepedunculata sont réputées éloigner les serpents des habitations. Par ingestion d’un gramme environ de racines les tradipraticiens se protègent des morsures de serpents quand ils partent en brousse récolter leurs plantes. Le mot « füf » en wolof rappelle d’ailleurs le sifflement du serpent. La racine est très utilisée en poudre pour faire des emplâtres sur les endroits douloureux dus aux rhumatismes, les racines sont très actives contre les parasites intestinaux.

Chirurgien anthropologue, j’ai été longtemps médecin itinérant. Mes missions m’ont conduit de l’Afrique à l’Asie. Fort de cette enrichissante expérience, j’ai créé la Faculté libre de médecines naturelles à la Sorbonne (1986) et l’association humanitaire Les Médecins aux pieds nus (1987), que je préside depuis. Inventeur du concept de la réanimation en ville et initiateur du concept d’ethnomédecine, j’ai été récompensé à plusieurs reprises pour mes actions humanitaires.

Amis lecteurs, si vous êtes passionnés par cette approche (reconnue par l’OMS) et par l’aventure des « médecins aux pieds nus », un petit livre de 125 pages est en vente. Faire un chèque ou envoyer un billet de 10 euros (+ 5 euros pour la poste), à mon nom, à envoyer à l’association Médecins aux pieds nus, au 9, rue du général Beuret, 75015 Paris. Pour ceux qui peuvent se déplacer au bureau je peux le dédicacer. Vous pouvez aussi l’acheter pour des amis.

Par ailleurs vous pouvez aider cette association qui recourt aux médecines naturelles et traditionnelles, et visiter le site des Médecins aux Pieds Nus.