Après ma dernière lettre sur le luciférisme, je me devais l’opposer aux fondamentaux de l’humanisme.

Rappelons la définition du Larousse : « mouvement de pensée qui prend l’homme pour fin et valeur suprême et qui vise à l’épanouissement de la personne humaine et au respect de sa dignité ».

Quand se développe partout en France la plus extrême violence, peur, haine, antisémitisme, sans oublier l’assassinat des professeurs Samuel Paty, Dominique Bernard et les milliers d’autres, on ne peut rester passif.

Pour aborder le thème de l’humanisme je ne peux manutentionner la vaste expérience menée par un groupe des gens du Nord qui se sont rassemblés pour apporter leur pierre à l’édifice.

Des responsables se sont engagés dans la vie associative

Le REB (Retraite et Bénévolat) est une association qui regroupe des personnes en retraite ou proches de la retraite, qui ont toutes exercé des responsabilités significatives durant leur vie professionnelle et ont des engagements marquants dans le monde associatif.

Le REB regroupe plus d’une centaine d’adhérents, femmes ou hommes, de l’agglomération lilloise, répartit en 3 Clubs autonomes se réunissant pour de nombreuses activités communes.

Le REB permet des échanges d’expériences et des approfondissements sur les responsabilités bénévoles, à travers des témoignages, des conférences, des réflexions en Commissions sur des thèmes sociétaux… dans un climat de respect et d’amitié, entretenu par des réunions mensuelles, des marches, des sorties et des voyages culturels.

L’idée de mener une réflexion sur le thème de l’humanisme leur est apparue à la fin de l’année 2018, quand, se développait partout en France la plus extrême violence (armes dans les salles de cours, gilets jaunes, assassinat de Samuel Paty), … autant d’événements qui représentaient la preuve d’une grande vague de déshumanisation. Ils ont eu alors l’impérieuse envie de s’interroger sur les fractures induites par les mutations sociétales, sociales, environnementales, culturelles, spirituelles… pour réexaminer comment introduire de l’humain et de la cohésion dans la société française et quelle forme de société et quel type d’humanisme proposer et construire avec les jeunes générations. Leur conception est plutôt celle d’un appel au respect de la personne humaine qu’une conception éthique et philosophique de la vie.

Ces modèles et valeurs humanistes se sont transformés aujourd’hui sous l’influence des avancées scientifiques, du développement des technologies numériques et de profondes mutations sociétales, culturelles et économiques, avec de nouveaux rapports au savoir, à la culture, au pouvoir, à la démocratie et à l’espace public et l’espace-temps dans nos façons de communiquer et d’organiser nos activités.

Pour comprendre comment les valeurs humanistes se sont transformées et sont interprétées aujourd’hui, notamment par les plus jeunes générations, pour réfléchir ensuite à comment les valoriser et quelles perspectives leur donner, le groupe a choisi de le faire de façon pragmatique, à partir de leurs valeurs personnelles, de leurs échanges avec de jeunes adultes et de leurs expériences d’engagement bénévole ; n’oubliant pas en cela que l’humanisme n’est pas seulement « une éthique philosophique » mais aussi une attention à la fragilité et à la vulnérabilité des hommes.

Comment procèdent-ils ?

Ils ont résumé leur approche en 5 chapitres

Chapitre 1 : nous réfléchissons aux caractéristiques du monde qui vient, provoquées par les révolutions technologiques, scientifiques, numériques, environnementales et nous nous interrogeons sur leurs conséquences potentielles sur la place de l’humain. Y a-t-il une nouvelle conception de l’humain, de nouvelles croyances dans lesquelles baignent les nouvelles générations ? Ces évolutions sont-elles la mort souvent annoncée de l’humanisme ?

Nous étudions les nouvelles technologies, leurs impacts sur nos vies, et nous nous posons la question d’un humanisme contemporain, à l’heure où l’on nous parle de « transhumanisme » et de « posthumanisme ».

Chapitre 2 : partant de ce nouveau paradigme il nous a paru nécessaire de revenir sur nous-mêmes, pour examiner nos valeurs : celles que nous partageons au sein de notre groupe ; celles qui, relatives à la conception de l’homme et de son humanité, nous ont personnellement construits. En précisant de façon explicite contre quoi, contre quelles valeurs, tendances, glissements, cet humanisme nous semble devoir se revendiquer.

L’objectif est de faire ressortir, d’abord entre nous, les fondamentaux de l’humanisme dont nous pensons qu’ils doivent demeurer, quelle que soit la période, quel que soit le lieu, parce qu’ils ont à nos yeux une valeur universelle et transgénérationnelle.

Chapitre 3 : il nous fallait en conséquence interroger les jeunes, comprendre comment eux-mêmes abordent le thème de l’humanisme, que d’ailleurs ils ne nomment pas, obtenir leurs commentaires sur leurs fondamentaux, et décrypter ce qui, dans leurs conceptions, les relient à nous.

Chapitre 4 : de cette analyse réciproque, nous déduisons un panorama des valeurs : celles qui nous relient entre générations et celles qui nous différencient. En les comparant, nous identifions les points d’ancrage et les recommandations auxquels ce chassé-croisé transgénérationnel peut contribuer au service d’un humanisme contemporain.

Chapitre 5 : nous dégageons des pistes pour agir à notre niveau et avancer dans l’humanisme.

Que représente l’humanisme pour les nouvelles générations ?

Les valeurs « humanistes des jeunes générations »

Denis Dhalluin, directeur de la Maison des Associations de Tourcoing leur a fait un témoignage très intéressant sur les convictions des jeunes :

  • L’humanisme n’est pas un terme qu’ils utilisent.
  • Aujourd’hui, pour les jeunes (15/25 ans), l’humanisme fait au mieux référence à la littérature. Il n’est jamais employé en tant que philosophie, courant de pensée ou pour décrire des actions citoyennes. Eux-mêmes ne s’identifient à aucun courant de pensée de ce type. Ils ne veulent pas se laisser enfermer dans l’idéologie.
  • Si le mot « Humanisme » est ignoré des jeunes, le mot ENGAGEMENT est reconnu mais peu utilisé au regard de leur modestie et leur prudence « Je ne vois pas ce que je pourrais apporter ni le temps que je peux y consacrer »
  • Bien que les patronages, l’éducation populaire tels que scouts, jeunesse ouvrière, etc… aient disparu, le besoin de « collectif » existe encore chez les jeunes.
  • Ils n’ont pas confiance en leur avenir et leur environnement les inquiète, mais le goût de l’engagement existe pourtant chez nombre d’entre eux, même très jeunes (délégués de classe). Leur engagement porte le plus souvent sur :
    – Les discriminations H/F, sexuelles, sociales, etc…
    – Le désir de préserver la planète
    – Ouverture au monde
    – Respect des différences
    – Importance et rôle de la famille (88% estiment qu’en cas de difficultés, ils peuvent compter sur leur famille
    – L’égalité, la justice, pas de discrimination
    – Le goût du vrai du parler vrai du dire le vrai : les concernant, c’est une exigence majeure.
    – La solidarité avec les minorités ou les opprimés et prendre soin des plus démunis.
    – Trois jeunes sur quatre gardent plutôt confiance dans leur avenir et le progrès (évolutions techniques, scientifiques et médicales dont les médecines naturelles.

En s’engageant, ils acquièrent aussi le sens du collectif et découvrent qu’ils sont plus efficaces ensemble.

Ce qu’ils ont subi, constaté, vécu est souvent la source de leur engagement qui donnera du sens à leur vie.

Leur désir d’être mieux pris en compte dans la société est souvent confronté à des réglementations qui les excluent (responsabilité juridique, présence obligatoire d’un adulte, impossibilité de déposer un statut).

Un sondage IPSOS de Septembre 2020 montrait que 78 % des 16/24 ans se déclaraient prêts à s’engager auprès des personnes en situation de pauvreté.

Une humanité naturelle dans chaque être humain

Selon David Doat, maître de conférence à l’Université catholique de Lille, la présence d’altruisme et d’humanité dans tout individu est scientifiquement prouvée. Le besoin de liens est constitutif de l’être humain. Il suffit de voir les petits enfants aller au-devant d’autres personnes. La période de pandémie a fait émerger nombre d’engagements altruistes.

Certains, abîmés par la vie ou baignés dans un contexte négatif ou contestataire, ont enfoui en eux ce besoin d’humanité. Pourtant ces besoins de liens, d’humanité, d’altruisme sont bien ce que nous avons en commun. Ils ne viennent pas seulement de l’intelligence mais aussi de l’esprit et du cœur. Dans les situations difficiles, lorsqu’il y a danger pour l’homme et pour sa dignité, ces gestes rassemblent (nombre de jeunes en témoignent). Cette solidarité rend plus fort et plus apte à affronter l’avenir.

La famille révélateur de l’humanisme

Quel que soit le milieu social, la référence familiale est essentielle. Certains jeunes n’ont pas confiance en eux et en la société. Ils ne connaissent pas leurs potentialités. Face à leurs difficultés de tout ordre, ils sont en état de stress, de peurs, ce qui les empêche de se révéler. En famille, ils vont apprendre la solidarité, le respect des différences, des générations.

La famille constitue le premier cadre social et collectif qui peut leur inspirer confiance. Ils vont y apprendre à gérer leurs émotions, écouter leurs intuitions, libérer leur créativité et leur sens collectif. Ils vont découvrir qu’ils sont les maillons d’une chaîne de relation qui a un nom (de famille) pour peu que l’entourage familial ne soit pas dans le jugement mais dans l’écoute et la bienveillance.

C’est alors que l’adolescent se sent reconnu et humain. Il devient autonome et prend une place dans la collectivité (dans l’humanité) et devient capable d’accueillir l’autre, l’étranger. Quand la famille (au sens généalogique) s’efface c’est une autre forme de famille qui peut prendre place, plus large, qui partage des centres d’intérêts divers (foot loisir engagements partagés, famille recomposée…).

L’humanisme contre la violence

Face aux valeurs qui nous ont construits, notre humanisme se revendique fortement contre toutes formes de violences faites aux personnes. Tout homme est une histoire sacrée dit le cantique.

On pense d’abord, naturellement, aux violences physiques, notamment aux coups portés sur autrui, mais aussi aux souffrances vécues dans des territoires de conflits armés ou de grande pauvreté. Grâce à la libération de la parole, les violences faites aux femmes sont mieux connues, mais le nombre des féminicides en France aujourd’hui est terrifiant. Grâce aux médias et réseaux sociaux, nous ne pouvons pas méconnaître les drames vécus par certains peuples, ou la cruauté de certains réseaux de passeurs de migrants… Pouvons-nous faire plus qu’en prendre simplement connaissance ?

Il y a aussi des violences plus sournoises, comme les abus et manques de respect où l’on attente au corps de l’autre et à son intégrité (abus sexuels, emprise psychique…). Certains peuvent s’autodétruire par la prise de substances addictives ou par des pratiques sectaires. Cette violence concerne notamment les enfants, les jeunes adultes, les femmes, les personnes déplacées, les personnes handicapées. Elle peut être physique mais aussi verbale, durable (plusieurs années), méconnue.

Le mode de vie urbain, par exemple, peut constituer dans certaines situations une violence faite aux familles par le biais de logements trop exigus voire indécents, par un difficile engrenage « métro, boulot, dodo », et/ou par des revenus insuffisants, un chômage de longue durée, ce qui conduit parfois à des suicides. Les médias et notamment la télévision sont sources de violence car chacun peut se comparer à d’autres plus gâtés, plus riches, mieux portants…. Heureusement on voit aujourd’hui, notamment depuis la pandémie, un désir de retour à des vies plus rurales, proches de la nature, et à des métiers produisant du concret.

Au-delà de l’entourage familial, on ressent aujourd’hui que les rapports sociaux ne sont pas sereins : nous sommes bombardés d’informations qui nous submergent avant que l’on ait pu prendre du recul, le mensonge est courant et l’on doit démêler le vrai du faux. D’où une remise en cause presque instantanée et permanente de ce que disent les autres, quels qu’ils soient. Ce d’autant que chacun s’arroge le droit de s’exprimer dans l’immédiateté, avec agressivité, et anonymement sur les réseaux sociaux. « Internet est un procès ouvert en permanence. Tout le monde s’y divise, parce que tout le monde critique et trouve toujours chez l’autre ce qui ne va pas. Au lieu de voir ce qui va bien » dit l’écrivaine Magda Hollender-Lafon.

Ce contexte est facteur de radicalisme, de fanatisme et d’idéologie aux détriments de débats apaisés et féconds. Les fameux débats politiques pré-électoraux en sont malheureusement souvent l’exemple.

Un certain développement technique tendant à tout standardiser, en imposant des normes et des critères de performance, risque de se faire au détriment de l’écoute et du contact interpersonnel. Cela nous apparaît comme une forme d’esclavagisme moderne. Dans le domaine technique encore, il faut sans doute être prudent dans la robotisation des tâches, et savoir discerner ce qui ne sera jamais robotisable.

Plus globalement, nous vivons dans un monde où tout s’accélère (turn-over dans les entreprises, rapidité de toute intervention, immédiateté des communications…). Il y a violence dans la priorité donnée à l’agir, au détriment de la réflexion, du recul, de la méditation.

A l’opposé de toutes ces violences décrites ci-dessus, notre humanisme s’appuie sur la bienveillance, l’écoute, la maîtrise de soi, le respect, en un mot la place accordée à la vie spirituelle de chaque homme ou femme.

Notre humanisme repose sur la spiritualité

Qu’entend-on par vie spirituelle ou plus largement spiritualité ? Nous sommes corps et esprit. L’esprit nous permet d’appréhender les choses, les êtres, le monde en dehors de la matérialité : notre existence est en partie spirituelle. Prendre conscience, éprouver des sentiments, voilà qui est de l’ordre de notre spiritualité, ou de notre âme, diront certains. S’ouvrir à une dimension spirituelle de l’existence, c’est croire que l’être humain a la capacité de transcender le matériel.

« Au fin fond de notre être nous savons que la vie, surtout pour ce qui est de la vie humaine, n’est pas dans le fonctionnement aveugle de ce qui existe, mais implique toujours un élan vers une possibilité d’être plus élevé. » (François Cheng)

La spiritualité ouvre au sacré. André Malraux écrit dans « Les chênes qu’on abat » : une société qui ne croit plus au sacré est une société qui n’a plus d’avenir.

« Nos contemporains ont tendance à opposer la spiritualité à la religion comme l’ouvert au fermé ou le bien au mal » dit l’universitaire Guillaume Cuchet, dans un article du Figaro.

La définition qu’en fait le sociologue Frédéric Lenoir en 2010 est éclairante :

« Croyants ou non, religieux ou non, nous sommes tous plus ou moins touchés par la spiritualité, dès lors que nous nous demandons si notre existence a un sens, s’il existe d’autres niveaux de réalité ou si nous sommes engagés dans un authentique travail sur nous-mêmes. »

La spiritualité ouvre à la beauté. « Ne voyons-nous pas que dès l’origine le désir de vie s’accompagne du désir de beau, prime signal de sens et de valeur ? » écrit François Cheng. « Art moderne, c’est- à-dire… spiritualité… aspiration vers l’infini » souligne Baudelaire. L’art est une aspiration de l’esprit.

On n’imagine pas un humaniste sans spiritualité. Et cette dimension extraordinaire de notre humanité génère l’humanisme.

Prendre soin de sa santé spirituelle

Particulièrement depuis un siècle, nous nous attachons à soigner notre bien-être matériel et plus récemment corporel, conséquence de l’humanisme ancien qui met l’homme (et non plus Dieu) comme valeur suprême.

Il est peut-être temps de soigner notre « spiritualité » : l’âme, la part incorporelle de l’homme, le souffle de la vie. Prendre du recul sur la course à la vie (pour éloigner la mort) et accueillir plus sereinement l’humanisme.

Quelles réflexions pour l’humanisme renouvelé ?

L’interdépendance concrète entre tous les humains qu’a créée et qu’accroît sans cesse la mondialisation a redessiné un humanisme élargi à la planète.

L’humanisme originel portait en lui un universalisme potentiel. Mais il n’y avait pas cette interdépendance concrète entre tous les humains, cette communauté de destin, qui sont aujourd’hui patentes pour le pire (guerres, pandémies) et, espérons-le, aussi pour le meilleur.

Le défi écologique ne questionne pas seulement notre rapport au monde mais aussi celui de notre rapport au temps ; il engendre une nouvelle amplification de l’humanisme qui doit être non seulement planétaire mais aussi englober les générations futures et les autres êtres vivants vis-à-vis desquels sont engagées notre responsabilité et notre solidarité.

En guise de conclusion

Elisabeth Torck résume cette œuvre collective : « Au terme de cette analyse réciproque voilà identifiés les points de proximité et les points d’ancrage particuliers que l’échange sur le thème de l’humanisme de notre génération avec les jeunes générations nous a suggérés.

Nous sommes convaincus que l’humanisme renouvelé auquel ensemble nous aspirons pour les années qui viennent doit se construire en intégrant les progrès des connaissances, les aspirations des générations à venir, mais aussi le recul que l’expérience confère ».

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Pour comprendre les valeurs humanistes qui ont évalué les membres de la commission REB (retraités et bénévoles) ont réfléchi à comment les valoriser et qu’elles perspectives leurs donner à partir de leurs valeurs personnelles, de leurs échanges avec des jeunes adultes et de leurs expériences d’engagement bénévole, en n’oubliant pas que l’humanisme n’est pas seulement une « éthique philosophique » mais aussi une attention à la vulnérabilité des hommes. Ce travail en commun de « gens du Nord » est d’une richesse inestimable. Il devrait être dans les mains des mères de famille, de tous ceux qui souffrent aujourd’hui d’un désarroi, des journalistes, des policiers et des jeunes gens.

Il me vient à l’esprit la chanson d’Enrico Mathias :

Les gens du Nord
Ont dans le cœur le soleil
Qu’ils n’ont pas dehors
Les gens du Nord
Ouvrent toujours leurs portes
A ceux qui ont souffert

Les thèmes abondent : le développement personnel, le renaissance, un changement de société, Vie intérieure, la résilience, la spiritualité, la place des femmes dans une nouvelle société, rôle de la famille.

Il vous reste à créer une association dans chaque région pour échanger vos idées.

Avec ces travaux des différentes régions, il sera possible d’écrire la « bible du 21° siècle ».

Dans quelques mois j’irai ramasser les copies ! …

Les cahiers des REB : www.reb59.org