Aux États-Unis, au Québec ou en Allemagne, des manifestations contre le port du masque rassemblent des milliers de personnes. Rien de tel dans l’Hexagone. Pour autant, cette mesure barrière ne va pas de soi. Elle est même source de tensions entre citoyens, voire de violence.

Le virus Covid-19 a décidément tous les défauts du monde. Il peut tuer, il met les soignants sous pression, fait tourner les scientifiques en bourrique, asphyxie les poumons et l’économie. Comme si cela ne suffisait pas, voilà qu’il fracture les générations. Déjà, lorsqu’il avait débarqué dans notre pays, ce poison avait provoqué la mise au pilori des plus jeunes, accusés de propager la maladie sans le savoir. Aujourd’hui, les chiffres sont là. Indiscutables et effrayants. Alors que la rentrée approche, la surcontamination des 20-29 ans explose et impose des mesures rapides. Ce n’est plus une question de morale, ni un discours de «vieux con». Juste une urgence vitale.

Les jeunes sont globalement moins sensibles au risque sanitaire que le reste de la population parce qu’ils y sont moins exposés et que les maladies leur semblent lointaines, irréelles. La circulation du virus chez les moins de 44 ans s’intensifie faisant craindre une poussée prochaine chez les plus âgés.

L’enjeu est d’expliquer que le virus qui circule actuellement chez les jeunes et les 260 clusters va se déplacer chez les plus âgés

Le péril jeune

« Penser que la contamination des jeunes n’est pas un problème, c’est bullshit (des conneries), s’émeut l’infectiologue Xavier Lescure. Ils ne sont pas surpuissants face à la maladie, du reste combien ont du mal à s’en remettre ? Combien d’arrêts maladie, d’études interrompues depuis mars ? »

En attendant, le virus poursuit tranquillement sa cure de jouvence et a fait 3 310 nouveaux cas le 15 août. C’est un record depuis la fin du confinement. C’est parmi les 15-44 ans que Santé publique France notait jeudi l’augmentation la plus importante du nombre de cas. Et ce sont les 25-29 ans puis les 30- 34 ans qui remportent le gros lot des contaminations. En Ile- de-France, l’incidence (le nombre de nouveaux cas rapportés à la population) chez les 20-29 ans flambe : jusqu’à 115 cas pour 100 000 habitants. Dans les Bouches-du- Rhône, elle explose à 136, Le seuil d’alerte est fixé à 50. Beaucoup de ces personnes ne sauront pas qu’elles sont infectées : 58 % des asymptomatiques ont entre 15 et 44 ans.

« Il y a sans doute un effet de libération, après cette période de contrainte sociale qui s’est imposée à tous. Si on y ajoute l’idée, beaucoup relayée, selon laquelle la deuxième vague de l’épidémie n’arriverait qu’en automne, la conviction s’est forgée que l’été serait un moment de répit », analyse le sociologue Henri Bergeron, directeur de recherches au CNRS. Ainsi il faut vite en profiter avant de se claquemurer, une deuxième fois ?

En revanche, certains jeunes, bien informés, ont compris que le SARS- CoV-2 les exposait peu à des complications sévères. Pour les sensibiliser, la stratégie de la peur ne fonctionne pas ; c’est un choix politique, certainement pas une stratégie de santé publique. On sait depuis des décennies que cet argument n’est pas le plus percutant. Mais si on explique : Je protège les autres, Je mets mon masque, le message passera beaucoup mieux, l’argument fera mouche auprès d’une génération réputée bien plus altruiste que les précédentes. Nous sommes dans une période très responsable : ces jeunes pensent plus à l’impact économique, social ou environnemental.

Mais pour l’instant, ces gestes ne sont pas encore intégrés comme des règles dans l’ensemble de la société. Elles restent des injonctions. Comme quand on dit « ne bois pas » à son enfant, alors qu’on consomme soi-même de l’alcool.

Des causes insoupçonnées

Si une large majorité de Français accepte de porter un masque pour tenter d’enrayer l’épidémie de Covid-19, une poignée s’y refuse toujours. Les causes de ce rejet sont diverses, touchant aussi bien au refus d’une forme de « contrôle social » qu’à la peur de basculer dans un monde désincarné. Cette défiance vis-à-vis des consignes officielles peut donner lieu à des actions violentes, en France comme ailleurs. En dépit d’arguments sanitaires incontournables, une partie minoritaire de la population refuse de se soumettre aux gestes barrières, en particulier au port du masque.

Depuis le début de la crise sanitaire, le masque est entré dans nos vies ce qui soulève une litanie de questions et polémiques. Cette protection est-elle réellement efficace ? Ces dernières semaines, le mouvement s’est accéléré et généralisé, c’est ainsi que plusieurs villes l’imposent même en extérieur. La physionomie des rues change, et l’image, inconcevable il y a plusieurs mois, de flots de visages barrés de polychrome déambulant sur les marchés estivaux et lieu de rassemblement, se déploient un peu partout. Pourtant, parmi la foule, quelques irréductibles font tache.

C’est un étudiant qui avoue osciller entre « l’impératif de protéger les autres » et la ferme volonté de « rester libre de juger si ce fatidique masque est nécessaire ». On peut avancer de multiples autres raisons…

Ils avancent : « Tout ça c’est faux, c’est de la manipulation, le masque je n’y crois pas ! ». Ils sont, par exemple, persuadés que ce qui permet l’aération du masque laisse passer le virus et donc le rend inefficace. Argument qui semble peu recevable et infantilisant.

Il peut y avoir dans cette attitude, une façon de désobéir à un gouvernement qu’ils n’approuvent pas ou d’exprimer un rapport de défiance plus large vis-à-vis de l’État et de l’autorité en général.

Pourquoi ce geste semble-t-il si difficile ? Au-delà de la simple question de l’inconfort, l’irruption de ce petit carré de tissu n’a rien d’anodin, avancent les chercheurs. Le masque réinterroge en profondeur nos relations et notre rapport à l’autorité et à l’État, rien de moins, selon eux.

Le masque pèse tout d’abord sur nos rapports sociaux du quotidien. Parce qu’il gomme le visage, il entraîne une perte de l’altérité. On se reconnaît moins bien. On déchiffre moins les émotions du visage. « On perd un peu de soi et des autres derrière un masque », résume Anne Monjaret, ethnologue, chercheuse au CNRS.

À la place, une forme de contrôle social s’installe. C’est heurtant de ne pas porter de masque. Cela hérisse certaines contestataires, qui ne supportent pas l’idée de ne pas avoir le choix. Ils rejettent le masque parce qu’ils rejettent le contrôle social que cela suppose. « Ce qui n’est pas simple, dès lors le masque nous bâillonne et nous protège en même temps. »

Le masque « défigure le lien social », confirme le sociologue David Le Breton. « Nous perdons notre singularité, mais aussi une partie du plaisir de se regarder », explique-t-il.

Le masque redéfinit notre rapport au groupe et à la société au sens large. Le sociologue voit d’ailleurs, dans le refus de le porter, un nouveau signe de l’individualisation croissante. Sous le refus de la contrainte – et sans craindre les regards désapprobateurs – les anti-masques refusent, en réalité, l’idée de protection collective.

Ces réfractaires ne représentent qu’une minorité, tient toutefois à rappeler le chercheur. « La population est majoritairement favorable au port du masque. Santé publique France estime que 75 % des Français le portent dans les lieux publics fermés et que seuls 25 % choisissent de prendre le risque de s’en passer et d’être verbalisés de 135 € ». Certains se sentent obligés de se justifier.

L’enjeu se situe à un autre niveau. Derrière ces réactions de rejet, se joue aussi une crainte réelle de l’avenir. À travers le refus de ce bout de tissu, il y a aussi le refus d’un futur redouté, où l’on perdrait une part d’autonomie et de liberté ; et où les rapports sociaux et intimes seraient bouleversés pour longtemps. « On ne se saute plus au cou quand on se retrouve, les mimiques du visage se sont volatilisées, on ne se serre plus la main, on travaille en visioconférences… et on se masque le visage, il y a là une forme de perte dans l’intimité, qui vient s’ajouter à l’incertitude économique, souligne Anne Monjaret.

Vers un monde sans contact

D’abord, des sourires masqués, des bises confisquées, puis des relations toujours plus virtuelles… Peut-on supporter de ne plus s’approcher ?

Symboliquement, nos cartes bancaires ont reflété nos nouveaux usages en étendant, dès le déconfinement, leur fonction « sans contact » à un plafond de 50 €… « Bientôt, l’argent liquide échangé de la main à la main disparaîtra, comme l’épicier, remplacé par des magasins automatiques », prédit Romain au Borromée où je bois mon café, qui milite contre le « contrôle numérique » de nos vies. Pour lui, la transformation engagée par le confinement n’a été que la première étape d’une mutation sociale vers un monde « sans contact », qui nous rend de plus en plus dépendant des nouvelles technologies et nous éloigne des autres ! Plus de bises, des expressions cachées par le masque, voilà qui ne ravit pas non plus Anna, qui essuie des regards réprobateurs lorsqu’elle fait ses courses à visage découvert. « Je n’aime pas porter ce truc qui me voile la face et cache mes expressions ! » se défend-elle. Des professionnels de la petite enfance s’alarment aussi de certaines recommandations officielles : impossible de respecter un mètre de distance avec des petits. Prendre un bébé dans les bras quand on porte un masque ? Normal, l’enfant a besoin de voir, de toucher, de sentir… Tout comme nous ?

Nous n’en sommes pas moins dans une rupture anthropologique totale, dans une période d’entredeux, en train de se réinventer. On en voit déjà qui se disent bonjour avec les coudes ou les pieds ! » C’est que le contact reste plus que jamais indispensable à la relation humaine.

Au XXe siècle, partout dans le monde, les hommes ont été contraints d’accepter de soi-disant progrès tout en refoulant, au sens psychanalytique, leurs inquiétudes, leurs insatisfactions et leur colère devant les changements de vie qu’on leur imposait. Si l’homme s’habitue aux changements d’une génération à l’autre, ses gènes ne changent pas et à son insu, les facteurs refoulés entrent en conflit avec sa nature profonde et le rendent émotionnellement malade, réceptif à de nouvelles maladies.

Portez un masque !

Je pense que vous avez deviné que j’étais partisan du masque qui représente le dernier rempart.

Ainsi, vous les jeunes et les responsables des 250 foyers infectieux peut être êtes-vous à l’origine de plusieurs morts et innocents ? alors ! réfléchissez et oubliez vos élucubrations, même si certains points de vue sont recevables.

La vie est si précieuse, à tout âge. Je vous rappelle qu’on assiste de plus en plus à des réanimations de jeunes dont certains se terminent mal.